Les couteaux Laguiole, reconnus dans le monde entier, sont en réalité fabriqués sur deux sites de production différents. On retrouve la Forge de Laguiole, dans la région de l'Aubrac, assurant une fabrication artisanale, ainsi que l'entreprise de Thiers, située dans le Puy-de-Dôme, dont la production est plus industrielle. En 2014, la loi Hamon prévoit la création d'indications géographiques, une décision qui donne lieu à des tensions entre les deux communes. Revenons un peu plus en détail sur ces évènements.

Quand a été relancée la production de couteaux à Laguiole ?

La Forge de Laguiole existe depuis 1829. Elle connaît rapidement le succès, si bien qu'en 1930, le coutelier décide de délocaliser la production de ses couteaux et choisit pour cela la ville de Thiers, dans le Puy-de-Dôme. La fabrication devient alors industrielle et assure une production massive. Néanmoins, dans le but de préserver l'authenticité ayant fait le succès de la Forge de Laguiole, en 1997, la fabrication des couteaux est de nouveau relancée dans la petite commune.

Cependant, l'entreprise située à Thiers, dans le Puy-de-Dôme, continue toujours d'exister et produit encore à l'heure actuelle des couteaux estampillés Laguiole. Mais ces deux types de produits sont bien différents. Alors que La Forge de Laguiole offre une qualité artisanale, le site de fabrication de Thiers souffre d'un manque d'authenticité. C'est justement cette préservation d'un savoir-faire authentique qui génère depuis 2014 des frictions entre les deux communes, frictions qui se sont intensifiées depuis la création des indications géographiques, prévues par la loi Hamon.

Qu'en est-il de la création d'Indication géographique protégée ?

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, Laguiole n'est pas une marque. De ce fait, elle n'est donc pas protégée. Mais, depuis 2013, les artisans sont en mesure de bénéficier de l'IG, pour Indication Géographique. Cependant, en raison du terme "Laguiole" considéré comme générique, la demande de la commune a été refusée en 2014. Cette décision a néanmoins été cassée par la Cour de cassation, même si l'IGP ne peut être accordée à la coutellerie.

Pour bénéficier de l'IGP, Laguiole a saisi la Cour d'Appel de Paris, qui estimait alors que « le couteau Laguiole est un nom de couteau entré dans le langage courant sans lien direct évident avec la demanderesse la commune NDLR - , celle-ci demeurant peu connue contrairement à ce qu'elle prétend ». La Cour de Cassation a décidé d'aller à l'encontre de la Cour d'Appel, même si Laguiole n'est toujours pas en mesure d'obtenir une réponse favorable à sa demande initiale, à savoir la nullité des marques. La bataille de Laguiole pour la reconnaissance de son savoir-faire a été remportée en mars 2019, mais nous le verrons un peu plus tard.

Mais alors, qu'est-ce qu'une IGP ? D'après l'Institut National de l'Origine et de la Qualité, l'Indication Géographique Protégée "identifie un produit agricole, brut ou transformé, dont la qualité́, la réputation ou d’autres caractéristiques sont liées à̀ son origine géographique." L'IGP concerne exclusivement les entreprises dans le secteur de l'agriculture, de l'agroalimentaire et viticole aussi, la Forge de Laguiole ne peut en bénéficier.

Thiers et Laguiole : une guerre gagnée par Laguiole ?

Le patron de l'entreprise artisanale Laguiole, située dans la commune du même nom, est monté au créneau contre la loi Hamon, permettant la création d'Indications Géographiques. En effet, cette mesure aurait alors pour conséquence de regrouper la production de Laguiole et de Thiers sous une seule et même indication, une perspective séduisante dans le camp de Thiers. Cependant, comme nous l'avons mentionné précédemment, en 2016 la Cour de Cassation est allée dans le sens de Laguiole. Cette décision partielle rend justice à la commune.

En mars 2019, la Cour d'Appel de Paris s'est enfin prononcée en faveur de la Forge de Laguiole. Précisons qu'en plus de se battre contre une IG regroupant sa propre commune et celle de Thiers, l'entreprise artisanale luttait également contre Gilbert Szajner, un entrepreneur originaire du Val-de-Marne à l'origine de la création d'une marque Laguiole, proposant des couteaux mais également des produits du quotidien divers et variés, comme des barbecues et même du linge de maison.

La Cour d'Appel de Paris, le 5 mars dernier, a rendu justice à la commune de Laguiole, qui peut maintenant jouir pleinement de sa propre marque. Des fraudes ont été dénoncées à l'encontre de plus de 20 créateurs utilisant la fameuse marque Laguiole, même si certaines peuvent continuer à l'utiliser en toute impunité.

À l'issue de cette affaire, le patron de la coutellerie aveyronnaise a touché 50 000 euros de préjudice moral, un montant qui devra être versé par Gilbert Szajner et son fils, tous deux gérants de la société usurpatrice. En revanche, ces derniers ne seront pas condamnés pour pratiques commerciales trompeuses.

Aussi, depuis mars 2019, la fabrication de couteaux dans l'Aveyron peut désormais bénéficier d'une certaine reconnaissance et faire valoir son savoir-faire, ainsi que l'authenticité de ses couteaux, dont la production a débuté en 1829.